À DEUX VOIX

Journaliste de presse écrite et de radio pendant presque quatre décennies, j’ai rédigé ou enregistré de nombreux entretiens avec des personnalités très diverses, ainsi que de nombreux portraits fondés sur des rencontres – pas seulement dans le domaine de la littérature ou des sciences humaines. On m’a donc souvent demandé d’en tirer des livres. Je me suis fréquemment dérobé faute de temps mais aussi, plus rarement, faute de réelle complicité avec l’interlocuteur, ou l’interlocutrice, ou avec ses travaux. Qu’un entretien se passe bien et fasse naître l’intérêt des lecteurs, des auditeurs, ne signifie pas que le questionneur ou le questionné puissent ou veuillent aller plus loin. Il est également arrivé qu’au bout de cinq ou six entretiens le principal intéressé ne souhaite pas poursuivre ou laisse les choses s’effilocher.

Aucun de ces livres à deux voix, y compris ceux nés de la radio, ne retranscrit des enregistrements. Même pour les interviews « papier », je ne me suis jamais servi de magnétophone ou d’enregistreur. Nous parlons, je prends des notes, je les rédige. Je soumets ensuite le texte à l’interrogé, qui retouche ou développe certains points. Ensuite, je réécris tout – et l’interrogé revoit tout. Si la forme question-réponse est le plus souvent conservée, les questions ne sont que des relances.
Les cinq livres à deux voix dont j’ai été le coauteur répondaient tous à une sympathie que j’espère avoir été réciproque. Ils m’ont permis, tous les cinq, d’approfondir ma réflexion sur les questions que soulevaient la rédaction de mes propres livres.

Mon métier m’a ainsi donné souvent la chance d’avoir des cours particuliers sur des thèmes complexes avec les meilleurs spécialistes :

L’exégèse biblique : Dieu se laisse chercher (Xavier Léon-Le Dufour), 1995
L’investigation : Le goût du secret (Gilles Perrault), 1997
Le monde médiéval : A la recherche du Moyen Age (Jacques Le Goff), 2003
La philosophie française : Henri Gouhier se souvient, 2005
L’Antiquité gréco-romaine : Pouvoir et religion à Rome (John Scheid), 2011

[Collages d’Emmanuel Pierre]