POUVOIR ET RELIGION À ROME
Avec John Scheid
La collection « Dieux, mythes et héros » (Editions Larousse), dans laquelle parut en 2008 une première version de Pouvoir et religion à Rome, reposait sur la collaboration, à part égale, d’un spécialiste de l’histoire des religions et d’un rédacteur, le plus souvent journaliste. L’historien fournissait le matériau. Le rédacteur avait toute liberté pour rédiger comme il l’entendait, à charge de faire valider son texte par le coauteur.
L’ouvrage, réalisé avec John Scheid, professeur au Collège de France, s’appelait alors Jupiter et la puissance de Rome. Quelques corrections importantes y furent apportées lors de son passage au format de poche (Hachette « Pluriel », 2011). Le principe de départ fut respecté : un récit proche de l’essai, un ton personnel, pas de notes. De la fondation légendaire de Rome (753 av. J.-C.) jusqu’au dépérissement du Capitole et de son temple après le triomphe de Constantin (312), le lecteur découvre le rôle assez abstrait mais essentiel de Jupiter dans la politique romaine dont il est le socle.
Ce dieu n’est pas le Zeus badin et polymorphe des jeux d’esprit ou de poésie chers à la culture hellénistique. Placé au sommet géographique et politique de la Ville impériale, il tient lieu tout à la fois de premier magistrat et de constitution. Principe même de la chose publique, Jupiter n’a donc pas de vie privée. Il terrifie par le tonnerre et la foudre. Il tétanise l’adversaire. Imprévisible et souverainement arbitraire, il a toujours raison – par définition. Car il est la loi, le dieu-constitution qu’on vénère sur le Capitole.
Reconstitution de l’intérieur du temple de Jupiter capitolin à Rome par des étudiants de l’Université de Caen.. Jupiter est le principe constitutionnel de la Ville.
Son culte, éminemment juridique, s’élabore au fur et à mesure que la République romaine se fait conquérante. Mais il faut attendre la fulgurante carrière de Jules César et la construction idéologique élaborée par Auguste pour que Jupiter devienne Rome. Il représente alors le constant « bonheur d’action » du système politique gréco-romain. Grâce au dieu il est dans la nature des choses que Rome gouverne le monde.
Les Romains ont négocié avec le « Très Bon Très Grand » la bonne organisation des rites, socle de la Cité. Après Auguste, tous les empereurs veilleront à ce que le pacte unissant Jupiter à l’Etat ne soit pas altéré.
Jupiter n’exige pas la foi, ni le lien personnel. Il s’en tient au respect des procédures. Il est la procédure elle-même. Il couronne les triomphes par lesquels les généraux vainqueurs éblouissent la Ville. Mais lorsque Constantin victorieux entre en triomphateur et « oublie » de se rendre au temple capitolin révérer le grand dieu, le Capitole cesse d’être capital. De ce fait, Rome elle-même cesse d’être capitale. L’heure vient de Constantinople. Le temps de Jupiter s’achève.